CELEX:62024CO0534: Ordonanța Curții (Camera a opta) din 12 decembrie 2024.#Your personal driver Soc. coop. arl împotriva Comune di Roma.#Cerere de decizie preliminară formulată de Giudice di pace di Roma.#Cauza C-534/24.
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Redacția Lex24 |
Publicat in Repertoriu EUR-Lex, CJUE: Decizii, 20/01/2025 |
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Informatii
Data documentului: 12/12/2024Emitent: CJCE
Formă: Repertoriu EUR-Lex
Formă: CJUE: Decizii
Stat sau organizație la originea cererii: Italia
Procedura
Tribunal naţional: *A9* Giudice di pace di Roma, sezione 4 civile, Ordinanza del 15/07/2024 (7973/2023)ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)
12 décembre 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Exigence de présentation du contexte factuel du litige au principal – Irrecevabilité manifeste »
Dans l’affaire C‑534/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Giudice di pace di Roma (juge de paix de Rome, Italie), par décision du 15 juillet 2024, parvenue à la Cour le 2 août 2024, dans la procédure
Your personal driver Soc. coop. arl
contre
Comune di Roma,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. N. Piçarra (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, TUE, ainsi que de l’article 5, paragraphe 1, sous b), c) et e), du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, ci‑après le « RGPD »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Your personal driver Soc. coop. arl au Comune di Roma (commune de Rome) au sujet de l’obligation mise à la charge des chauffeurs des voitures de transport avec chauffeur (VTC) de tenir un registre électronique qui consigne des données à caractère personnel.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement de procédure de la Cour
3 L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :
« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :
a) un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;
b) la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;
c) l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »
Le RGPD
4 L’article 5 du RGPD, intitulé « Principes relatifs au traitement des données à caractère personnel », dispose :
« 1. Les données à caractère personnel doivent être :
[…]
b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités ; […]
c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) ;
[…]
e) conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées […] »
Le droit italien
5 L’article 11 de la legge n. 21 – Legge quadro per il trasporto di persone mediante autoservizi pubblici non di linea (loi no 21, portant loi‑cadre pour le transport de personnes par services publics de transport automobile à caractère non régulier), du 15 janvier 1992 (GURI no 18, du 23 janvier 1992), telle que modifiée par la legge n. 12 (loi no 12), du 11 février 2019 (GURI no 36, du 12 février 2019) (ci‑après la « loi no 21 modifiée »), a introduit l’obligation, pour les chauffeurs de VTC, de tenir un registre électronique, dit « feuille de service », dans lequel doivent être indiquées, notamment, les « données relatives à l’utilisateur du service [de location de VTC] ».
Le litige au principal et la question préjudicielle
6 Le Giudice di pace di Roma (juge de paix de Rome, Italie), qui est la juridiction de renvoi, émet des doutes quant à la compatibilité avec l’article 5, paragraphe 1, sous b), c) et e), du RGPD, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, TUE, de l’article 11 de la loi no 21 modifiée.
7 À cet égard, la juridiction de renvoi rappelle que, le 16 mai 2019, le Garante della Privacy (autorité chargée de la protection des données, Italie) avait déjà relevé le caractère problématique de la loi no 21 modifiée, en ce qu’elle oblige les chauffeurs de VTC à remplir une feuille de service électronique à l’aide de données qui pourraient permettre l’identification et le traçage de chacun des clients. Cette juridiction précise aussi que, selon l’autorité chargée de la protection des données, la tenue d’une telle feuille de service, en ce qu’elle impliquerait un traitement massif de données à caractère personnel contraire aux garanties prévues par le RGPD, constitue une exigence disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi par cette loi, à savoir mettre un frein aux pratiques abusives dans le secteur de la location de VTC.
8 Ladite juridiction fait encore observer qu’une telle obligation, imposée spécifiquement au type de services en cause au principal, ne trouve pas de correspondance dans le droit de l’Union, celui‑ci n’exigeant pas, pour des services similaires, tels que les services de transport par autobus, l’« identification spécifique des passagers ».
9 En conséquence, la même juridiction estime que l’article 11 de la loi no 21 modifiée est contraire aux dispositions du RGPD, en ce qu’il porterait atteinte au droit des personnes à conserver l’anonymat pour ce qui concerne leurs déplacements, les lieux qu’elles fréquentent ainsi que les jours et les heures concernés, et n’indiquerait pas les modalités spécifiques de traitement des données à caractère personnel et sensible collectées au moment de l’établissement de la feuille de service.
10 Dans ces conditions, le Giudice di pace di Roma (juge de paix de Rome) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Le droit de l’Union – et plus particulièrement l’article 5, paragraphe 4, TUE, et l’article 5, paragraphe 1, sous b), c) et e), du [RGPD] – doit‑il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à une disposition telle que celle qui figure à l’article 11 de la loi no 21 [modifiée] ? »
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
11 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
12 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
13 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 44 ainsi que jurisprudence citée).
14 Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [voir, en ce sens, notamment, arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 23 et jurisprudence citée].
15 Les informations contenues dans les décisions de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 134 et jurisprudence citée).
16 Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21, et arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a., C‑208/20 et C‑256/20, EU:C:2021:719, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1).
17 En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle ne répond manifestement pas aux exigences posées à l’article 94, sous a), du règlement de procédure.
18 Si la juridiction de renvoi indique les raisons pour lesquelles elle estime que l’article 11 de la loi no 21 modifiée est contraire à certaines dispositions du RGPD, lues en combinaison avec l’article 5, paragraphe 4, TUE, elle ne précise toutefois pas le contexte factuel sur la base duquel elle interroge la Cour. En effet, la décision de renvoi ne contient aucune information concernant la nature et l’objet du litige pendant devant la juridiction de renvoi et n’expose pas, même sommairement, les faits qui sont à l’origine de ce litige ni les données factuelles sur lesquelles la question préjudicielle est fondée. Or, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (arrêt du 28 novembre 2023, Commune d’Ans, C‑148/22, EU:C:2023:924, point 45 et jurisprudence citée).
19 Ainsi, à défaut d’indications concernant l’objet du litige au principal, les faits à l’origine de celui‑ci ou, à tout le moins, les données factuelles sur lesquelles la question préjudicielle est fondée, la Cour n’est pas à même de comprendre dans quelle mesure l’interprétation des dispositions du droit de l’Union visées par cette question est nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de trancher le litige au principal.
20 À cet égard, il importe de rappeler que la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un contentieux (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, EU:C:1981:302, point 18, et du 18 novembre 2020, DelayFix, C‑519/19, EU:C:2020:933, point 31 ainsi que jurisprudence citée).
21 Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, la présente demande de décision préjudicielle est, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, manifestement irrecevable.
22 Il convient cependant de rappeler que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle en fournissant à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle‑ci de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, Călin, C‑676/17, EU:C:2019:700, point 41 et jurisprudence citée).
Sur les dépens
23 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare :
La demande de décision préjudicielle introduite par le Giudice di pace di Roma (juge de paix de Rome, Italie), par décision du 15 juillet 2024, est manifestement irrecevable.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.