CELEX:62024CO0049: Ordonanța Curții (Camera a opta) din 28 noiembrie 2024.#Rzecznik Finansowy.#Cerere de decizie preliminară formulată de Sąd Najwyższy.#Cauza C-49/24.
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Redacția Lex24 |
Publicat in Repertoriu EUR-Lex, CJUE: Decizii, 11/12/2024 |
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Informatii
Data documentului: 28/11/2024Emitent: CJCE
Formă: Repertoriu EUR-Lex
Formă: CJUE: Decizii
Stat sau organizație la originea cererii: Polonia
Procedura
Tribunal naţional: *A9* Sąd Najwyższy, Postanowienie z dnia 06/10/2023 (III CZP 126/22)ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)
28 novembre 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Effets de la constatation du caractère abusif d’une clause – Contrat de crédit bancaire contenant des clauses abusives – Nullité de ce contrat – Actions restitutoires – Droit de rétention – Article 267 TFUE – Question juridique posée à une Cour suprême – Absence de litige – Irrecevabilité manifeste »
Dans l’affaire C‑49/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), par décision du 6 octobre 2023, parvenue à la Cour le 25 janvier 2024, dans la procédure
Rzecznik Finansowy,
en présence de :
Prokurator Generalny,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. S. Rodin (rapporteur), président de chambre, Mme O. Spineanu-Matei et M. N. Fenger, juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), engagée par le Rzecznik Finansowy (médiateur financier, Pologne), pour mettre fin à des divergences d’interprétation dans la jurisprudence des juridictions nationales du fond.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 est ainsi libellé :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
4 L’article 7, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit polonais
Le code civil
5 L’article 3851, première phrase, de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable dans le cadre de la procédure au principal (ci-après le « code civil »), énonce :
« Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant gravement atteinte à ses intérêts (clauses contractuelles illicites). »
6 L’article 487, paragraphe 2, de ce code prévoit :
« Un contrat est synallagmatique lorsque les deux parties s’engagent de telle sorte que la prestation de l’une est censée être l’équivalent de la prestation de l’autre. »
7 Aux termes de l’article 488, paragraphe 1, dudit code :
« Les prestations qui font l’objet d’obligations contractuelles réciproques (prestations réciproques) doivent être exécutées simultanément, à moins qu’il ne résulte du contrat, de la loi ou d’une décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente que l’une des parties est tenue de l’exécuter plus tôt. »
8 En vertu de l’article 496 du code civil, lu en combinaison avec l’article 497 de celui-ci, si, à la suite de la nullité d’un contrat synallagmatique, les parties doivent restituer des prestations réciproques, chacune d’elles dispose d’un droit de rétention jusqu’à ce que l’autre partie offre de restituer la prestation obtenue ou garantisse le droit à restitution.
9 L’article 498 de ce code dispose :
« 1. Lorsque deux personnes sont simultanément débitrices et créancières l’une de l’autre, chacune d’elle peut procéder à une compensation entre sa créance et celle de l’autre partie si les deux créances portent sur de l’argent ou des choses d’une même nature désignées uniquement par leur genre, si les deux créances sont exigibles et peuvent être invoquées devant une juridiction ou une autre autorité de l’État.
2. La compensation a pour effet que les deux créances se compensent à hauteur de la créance la moins élevée. »
10 Aux termes de l’article 499 dudit code :
« La compensation se fait par déclaration à l’autre partie. La déclaration a un effet rétroactif à partir du moment où la compensation est devenue possible. »
La loi bancaire
11 L’article 69, paragraphe 1 de l’ustawa prawo bankowe (loi bancaire), du 29 août 1997 (Dz. U. no 140, position 939), dans sa version applicable dans le cadre de la procédure au principal, énonce :
« Par un contrat de crédit, la banque s’engage à mettre à la disposition de l’emprunteur, pour la durée indiquée dans le contrat, des fonds destinés à l’objectif convenu et l’emprunteur s’engage à les utiliser selon les conditions fixées dans le contrat, à rembourser dans le délai imparti le montant du crédit utilisé, augmenté des intérêts, et à payer une commission sur le crédit octroyé. »
La procédure au principal et la question préjudicielle
12 Par une demande du 4 juillet 2022, le médiateur financier a sollicité du Sąd Najwyższy (Cour suprême), qui est la juridiction de renvoi, l’adoption d’une résolution visant à résoudre les divergences d’interprétation, existant dans la jurisprudence des tribunaux nationaux de droit commun, quant à la question de la nature synallagmatique des contrats de crédit bancaire.
13 Cette juridiction explique que, dans la doctrine polonaise, il existe deux positions concernant cette question. Selon la première position, l’essence d’un contrat synallagmatique consiste en l’équivalence des prestations, l’élément déterminant étant la valeur subjective de celles-ci, et non leur valeur réelle. Selon la seconde position, dans un contrat qualifié de « synallagmatique », la prestation d’une partie doit être équivalente à celle de l’autre, indépendamment d’une équivalence objective ou subjective des prestations concernées.
14 Ladite juridiction indique que, dans un arrêt du 28 juin 2002, ayant pour objet un contrat à titre onéreux, elle a considéré que ce type de contrat n’était pas un contrat synallagmatique. Cependant, dans des arrêts des 7 avril 2011 et 7 mars 2017, elle a considéré que les contrats de crédit étaient des contrats synallagmatiques.
15 La même juridiction observe, d’une part, que, si un contrat de crédit ne devait pas être qualifié de « synallagmatique », il ne serait pas possible d’appliquer le droit national par analogie afin de permettre l’invocation du droit de rétention et, d’autre part, qu’aucune disposition du droit bancaire polonais ne prévoit un tel droit de rétention dans le cadre des contrats de crédit.
16 Après avoir expliqué de manière détaillée les raisons l’amenant à considérer qu’il n’existe aucune raison justifiant de réserver la qualification de « synallagmatique » aux contrats ayant pour objet l’échange de biens et de services, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) conclut que, en droit polonais, les contrats de crédit peuvent également recevoir cette qualification.
17 Cependant, selon cette juridiction, la qualification des contrats de crédit de « synallagmatiques » ne résout pas la problématique du droit de rétention dans les situations relevant du domaine de la protection des consommateurs. Ainsi, bien que ladite juridiction admette que deux juridictions polonaises ont déjà saisi la Cour de demandes de décision préjudicielle portant sur ce droit, elle estime devoir porter à la connaissance de celle-ci des éléments supplémentaires par rapport à ces demandes.
18 À cet égard, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) avance que l’essence du droit de rétention n’est pas la satisfaction de la partie qui retient la prestation, mais l’exercice d’une pression sur la partie adverse pour que celle-ci exécute son obligation ou qu’elle en garantisse l’exécution de manière appropriée. Cette juridiction ajoute que ce droit cède la place à d’autres sûretés et s’éteint dès que la partie adverse fournit celles-ci.
19 En rappelant les règles du droit de l’Union régissant les droits des consommateurs et la jurisprudence de la Cour relative à celles-ci, la juridiction de renvoi estime que la Cour ne s’est pas directement prononcée sur la portée du droit de rétention au regard de la primauté du principe de protection du consommateur en tant que partie faible au contrat, prévu par le droit de l’Union.
20 En outre, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) considère que le droit de rétention doit être admis dans la mesure où, à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit, les établissements bancaires sont fondés à demander le remboursement intégral du capital prêté et où les effets juridiques de l’exercice de ce droit sont moins préjudiciables pour les consommateurs que ce remboursement.
21 Selon cette juridiction, en premier lieu, lorsque les prestations effectuées par le consommateur au bénéfice de la banque sont égales ou inférieures au montant que celle-ci lui a versé en exécution du contrat de crédit, il est difficile d’affirmer que l’exercice, par la banque, d’un droit de rétention porte atteinte aux intérêts légitimes du consommateur, dès lors que celui-ci a utilisé ce montant pour l’achat de biens qui restent à sa disposition. En second lieu, ladite juridiction estime que l’impossibilité, pour la banque, d’opposer un droit de rétention ne peut trouver sa source dans l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, dans la mesure où l’annulation du contrat de crédit contenant des clauses abusives et l’impossibilité, pour la banque, de réclamer une rémunération pour l’utilisation du capital prêté constituent des sanctions suffisantes.
22 En outre, la juridiction de renvoi considère que l’arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat) (C‑520/21, EU:C:2023:478), protège les consommateurs de manière disproportionnée dans la mesure où les motifs de celui-ci s’appliquent à toutes les relations impliquant des consommateurs. Cela étant, cette juridiction admet qu’il existe des situations dans lesquelles la prestation du consommateur peut s’avérer « supérieure » à celle de la banque, de telle sorte qu’il y a lieu de limiter le droit de rétention, et que les juridictions nationales peuvent prévoir de telles limitations sans difficulté dans des situations spécifiques.
23 Dans ces conditions, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] doivent-ils être interprétés en ce sens que, si un contrat de crédit ne peut pas rester contraignant en tant que contrat synallagmatique après la suppression des clauses abusives, ils ne s’opposent pas à l’application, ou ne limitent pas l’application, de dispositions nationales, telles que les dispositions combinées des articles 496 et 497 du code civil (droit de rétention – ius retentionis), qui permettent au juge, à la suite d’une exception soulevée par l’établissement de crédit défendeur dans le cadre d’une action intentée par un consommateur, de décider, dans un jugement reconnaissant le droit du consommateur d’obtenir la restitution [des] somme[s] payée[s] en exécution de ce contrat de crédit nul, que l’établissement de crédit procédera à l’exécution de cette prestation lorsque le consommateur proposera de rembourser le capital versé au titre de l’exécution dudit contrat ou garantira l’exécution de ladite prestation ? »
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
24 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
25 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
26 À cette fin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est cependant non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige (ordonnance du 9 janvier 2024, Sąd Najwyższy, C‑658/22, EU:C:2024:38, point 32 et jurisprudence citée).
27 Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie (ordonnance du 9 janvier 2024, Sąd Najwyższy, C‑658/22, EU:C:2024:38, point 33 et jurisprudence citée).
28 La Cour a ainsi itérativement rappelé qu’il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel (ordonnance du 9 janvier 2024, Sąd Najwyższy, C‑658/22, EU:C:2024:38, point 34 et jurisprudence citée).
29 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la procédure devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême) dans le cadre de laquelle la présente demande de décision préjudicielle a été introduite ne concerne aucun litige qui serait pendant devant cette juridiction ou toute autre juridiction. En effet, ainsi qu’il résulte de cette décision, lorsqu’il est saisi de questions juridiques par le médiateur financier afin de mettre fin à des divergences d’interprétation dans la jurisprudence des juridictions nationales du fond, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) se prononce sans être appelé à trancher un quelconque litige opposant des parties.
30 En effet, si cette dernière juridiction a indiqué, dans la décision de renvoi, que la réponse de la Cour aura une incidence sur les décisions des formations ordinaires du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et sur les décisions des juridictions nationales dans les affaires individuelles impliquant des consommateurs, il n’en reste pas moins que cette juridiction a précisé, dans cette décision, que, en réponse à la demande du médiateur financier dans la procédure au principal, elle se prononcera sur une question juridique abstraite qui n’est pas liée à un cas spécifique.
31 Dans ces conditions, force est de constater que la présente demande de décision préjudicielle ne répond pas à un besoin inhérent à la solution effective d’un litige réel qui opposerait des parties.
32 Il en résulte que cette demande est manifestement irrecevable.
Sur les dépens
33 La procédure revêtant le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations devant la Cour ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare :
La demande de décision préjudicielle introduite par le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), par décision du 6 octobre 2023, est manifestement irrecevable.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.