CELEX:62023CO0800: Ordonanța Curții (Camera a zecea) din 7 ianuarie 2025.#Minister van Financiën împotriva DRINKS 52 BVBA și NZ.#Cerere de decizie preliminară formulată de Rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen Afdeling Gent.#Cauza C-800/23.
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Redacția Lex24 |
Publicat in CJUE: Decizii, Repertoriu EUR-Lex, 16/01/2025 |
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Informatii
Data documentului: 07/01/2025Emitent: CJCE
Formă: CJUE: Decizii
Formă: Repertoriu EUR-Lex
Stat sau organizație la originea cererii: Belgia
Procedura
Tribunal naţional: *A9* Rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen Afdeling Gent, Kamer G31-VR, 15/12/2023 (2023/4181 ; 23G002332)ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
7 janvier 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Marchandises soumises à accise en vertu d’une réglementation nationale – Boissons non alcoolisées – Détention et introduction irrégulières sur le territoire d’un État membre de marchandises provenant d’autres États membres – Sanctions – Article 42 – Article 6, paragraphe 3, TUE – Article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Obligation de payer une somme correspondant à la valeur des marchandises manquantes – Cumul avec une amende pénale – Absence de pouvoir modérateur du juge – Proportionnalité – Incompétence manifeste de la Cour »
Dans l’affaire C‑800/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le rechtbank van eerste aanleg Oost–Vlaanderen, Afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand, Belgique), par décision du 15 décembre 2023, parvenue à la Cour le 28 décembre 2023, dans la procédure
Minister van Financiën
contre
DRINKS 52 BVBA,
NZ,
en présence de :
Openbaar Ministerie,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. E. Regan et B. Smulders (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour DRINKS 52 BVBA, par Me P. Van Muysen, advocaat,
– pour NZ, par Mes D. Dendoncker et L. R. De Groote, advocaten,
– pour le gouvernement belge, par MM. S. Baeyens, P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme B. Eggers et M. W. Roels, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), en particulier de son article 42, de l’article 6, paragraphe 3, TUE et de l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Minister van Financiën (ministre des Finances, Belgique) à DRINKS 52 BVBA et à NZ au sujet d’infractions pénales qu’auraient commises ces dernières pour avoir détenu et introduit de manière irrégulière en Belgique, en provenance d’Allemagne et des Pays-Bas, des boissons non alcoolisées soumises à accise, à des fins commerciales.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le titre I du règlement no 952/2013, intitulé « Dispositions générales », contient un chapitre 1, intitulé « Champ d’application de la législation douanière, mission de la douane et définitions », qui comprend l’article 1er de ce règlement, intitulé « Objet et champ d’application », lequel dispose, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement établit le code des douanes de l’Union […] fixant les règles et procédures générales applicables aux marchandises entrant dans le territoire douanier de l’Union ou en sortant.
[…] »
4 L’article 42, paragraphe 1, dudit règlement prévoit :
« Chaque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives. »
Le droit belge
5 Si elle n’est pas expressément prévue par la législation nationale en matière douanière, la condamnation au paiement de la contre-valeur des marchandises confisquées trouve appui dans la jurisprudence des juridictions suprêmes belges.
6 Il découle de cette jurisprudence que, premièrement, la condamnation au paiement de la contre-valeur des marchandises confisquées constitue non pas une sanction pénale, mais une conséquence civile de la condamnation pénale à une confiscation spéciale, deuxièmement, la condamnation à ce paiement constitue une application des articles 1382 et 1383 du Burgerlijk Wetboek (code civil), de l’article 44 du Strafwetboek (code pénal) et de l’article 50 de ce dernier code, relatif à la condamnation solidaire à des dommages-intérêts en cas de pluralité d’auteurs, troisièmement, la confiscation des marchandises est une peine prévue expressément à l’article 221, § 1, de l’Algemene Wet inzake douane en accijnzen (loi générale sur les douanes et accises), du 18 juillet 1977 (Moniteur belge, du 21 septembre 1977, p. 11476), modifiée en dernier lieu par la loi du 20 novembre 2022 (Moniteur belge, du 30 novembre 2022, p. 88145) (ci-après la « LGDA »), quatrièmement, la condamnation audit paiement a pour but de réparer non le dommage résultant de l’infraction même, mais celui consistant en l’absence des marchandises à confisquer, et, cinquièmement, le juge pénal n’est pas habilité à modérer le montant correspondant à la contre-valeur.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
7 Une enquête pénale concernant DRINKS 52 a débuté le 15 avril 2020 à la suite d’éléments révélés dans le cadre d’une autre enquête, desquels il était ressorti qu’un problème pouvait concerner la déclaration par cette société de cotisations au titre des emballages « réutilisables », qui n’auraient pas, en réalité, présenté cette qualité.
8 En 2018, ladite société avait déjà présenté une demande d’autorisation en tant qu’« établissement d’accise ». Cette demande n’avait toutefois pas abouti, à défaut de réponse de la part de celle-ci à une demande de production de pièces, la procédure ne pouvant être achevée de ce fait. Lors de la procédure en lien avec cette demande, elle n’avait pas non plus exercé son droit d’être entendue.
9 Au cours de l’enquête pénale, plusieurs factures d’achat et de justificatifs de paiement ont été demandés à DRINKS 52 et obtenus d’elle. Ces documents ont révélé que les droits d’accise et/ou la cotisation au titre des emballages dus pour des boissons non alcoolisées n’avaient pas été déclarés.
10 NZ a déclaré ignorer que des droits d’accise et des cotisations au titre des emballages prévus par le droit national étaient dus sur les boissons non alcoolisées. Elle a précisé que la demande d’autorisation en tant qu’établissement d’accise, présentée en 2018, ne portait que sur des boissons alcoolisées.
11 DRINKS 52 et NZ sont toutes les deux prévenues devant le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, Afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand, Belgique), qui est la juridiction de renvoi. Elles sont poursuivies pour la détention et l’introduction irrégulière en Belgique, à des fins commerciales, au cours d’une période allant de 2016 à 2022, de produits soumis à accise en provenance d’Allemagne et des Pays-Bas, soit 5 201,95 hectolitres d’eau, 7 500,81 hectolitres de limonade et 17,72 hectolitres de sirop, en dehors du régime suspensif, sans perception des droits d’accise et des cotisations au titre des emballages, prévus par les dispositions applicables de la législation belge, et sans être en possession d’une autorisation en tant qu’établissement d’accise.
12 Selon l’Algemene Administratie van Douane en Accijnzen (administration des douanes et accises, Belgique), les droits éludés s’élèvent à un montant total de 210 523,69 euros.
13 Dès lors que les produits soumis à accise en cause, à l’origine de la dette fiscale, n’ont, du fait de l’infraction commise, pas été remis à cette administration et sont désormais physiquement absents, cette dernière réclame, en outre, le paiement d’un montant total de 479 966,43 euros au titre de leur contre-valeur et d’une amende pénale s’élevant à 1 052 618,45 euros au minimum, calculée en appliquant un coefficient multiplicateur aux droits éludés.
14 S’agissant de l’imposition de la contre-valeur, la juridiction de renvoi estime que se pose, notamment, la question de savoir si les enseignements issus de l’arrêt du 4 mars 2020, Schenker (C‑655/18, EU:C:2020:157), relatifs, essentiellement, à l’incompatibilité d’une telle imposition avec l’exigence de proportionnalité posée par l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013, peuvent être transposés à l’affaire dont elle est saisie dès lors, notamment, que le droit bulgare en cause dans cet arrêt présenterait d’importantes similitudes avec le droit pénal douanier belge en cause dans cette affaire.
15 Dans ces circonstances, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, Afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 42 du règlement [no 952/2013] peut-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle prévue à l’article 220 et à l’article 221, paragraphe 1, de la LGDA, aux articles 1382 et 1383 du [code civil] ainsi qu’aux articles 44 et 50 du [code pénal], selon laquelle, en cas d’impossibilité de présenter les marchandises soumises à accise confisquées, il convient, eu égard aux principes généraux du droit de l’Union visés à l’article 6, paragraphe 3, TUE, de qualifier la condamnation au paiement de la contre-valeur de ces marchandises non pas de sanction pénale, ni même de sanction, mais de conséquence civile de la condamnation pénale ?
2) L’article 42 du règlement no 952/2013 peut-il être interprété en ce sens que, eu égard aux principes généraux du droit de l’Union visés à l’article 6, paragraphe 3, TUE, notamment le principe de proportionnalité, consacré également à l’article 49, paragraphe 3, de la [Charte], cet article 42 ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle prévue à l’article 220 et à l’article 221, paragraphe 1, de la LGDA, aux articles 1382 et 1383 du code civil ainsi qu’aux articles 44 et 50 du code pénal, selon laquelle, en cas d’impossibilité de présenter les marchandises soumises à accise confisquées, la condamnation au paiement de la contre-valeur de ces marchandises peut être cumulée avec une condamnation au paiement d’une amende pénale calculée en appliquant un multiplicateur des droits éludés ?
3) L’article 42 du règlement no 952/2013 peut-il être interprété en ce sens que, eu égard aux principes généraux du droit de l’Union visés à l’article 6, paragraphe 3, TUE, notamment le principe de proportionnalité, consacré également à l’article 49, paragraphe 3, de la [Charte], cet article 42 ne s’oppose pas à une réglementation nationale telle que celle prévue à l’article 220 et à l’article 221, paragraphe 1, de la LGDA, aux articles 1382 et 1383 du code civil ainsi qu’aux articles 44 et 50 du code pénal, selon laquelle, en cas d’impossibilité de présenter les marchandises soumises à accise confisquées, le juge national n’est pas habilité à modérer la condamnation au paiement de la contre-valeur de ces marchandises en tenant compte des circonstances concrètes du cas d’espèce, notamment de la situation patrimoniale du prévenu ? »
Sur la compétence de la Cour
16 Selon une jurisprudence constante, la Cour n’est, en principe, pas compétente pour répondre à une question posée à titre préjudiciel lorsqu’il est manifeste que la règle du droit de l’Union soumise à son interprétation ne peut trouver à s’appliquer (arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme, C‑203/14, EU:C:2015:664, point 29 et jurisprudence citée).
17 En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’article 42 du règlement no 952/2013, disposition faisant l’objet des trois questions préjudicielles, force est de constater que celle-ci ne saurait manifestement trouver à s’appliquer dans une situation telle que celle en cause au principal qui concerne une introduction prétendument irrégulière en Belgique de certaines marchandises en provenance d’Allemagne et des Pays-Bas.
18 En effet, conformément à son article 1er, paragraphe 1, ce règlement ne s’applique qu’à des « marchandises entrant dans le territoire douanier de l’Union ou en sortant ».
19 Cette disposition déterminant le champ d’application du règlement no 952/2013, il s’ensuit plus généralement qu’aucune disposition de ce règlement ne peut trouver à s’appliquer en l’occurrence.
20 En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’article 42 du règlement no 952/2013 doit être compris au regard des limites découlant, notamment, du principe de proportionnalité en tant que principe général du droit de l’Union et encadrant la compétence des États membres pour imposer des sanctions en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par la législation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Schenker, C‑655/18, EU:C:2020:157, point 42).
21 Or, en l’occurrence, les sanctions en cause au principal, en particulier la condamnation au paiement de la contre-valeur des marchandises confisquées, visent à réprimer l’inobservation non pas des conditions prévues par un régime institué par la législation de l’Union, mais de la réglementation nationale en matière d’accise frappant des types de marchandises, à savoir des boissons non alcoolisées, qui ne sont pas soumises à accise en vertu du droit de l’Union.
22 Par ailleurs, il ne ressort d’aucun élément du dossier dont dispose la Cour que, en l’occurrence, l’article 42 du règlement no 952/2013 aurait été rendu applicable de manière directe et inconditionnelle, par le droit national, à des situations ne relevant pas du champ d’application de ce règlement au sens de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, ordonnance du 15 octobre 2014, De Bellis e.a., C‑246/14, EU:C:2014:2291, point 17 et jurisprudence citée).
23 En deuxième lieu, aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne laisse entendre qu’une autre disposition du droit dérivé de l’Union s’appliquerait dans une situation telle que celle en cause au principal.
24 En troisième lieu, quant à l’article 6, paragraphe 3, TUE et à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, qu’invoque également la juridiction de renvoi en ce que ces dispositions consacrent le principe de proportionnalité, il convient de rappeler que le respect de ce principe, qui constitue un principe général du droit de l’Union, s’impose aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre ce droit, y compris en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables. Lorsque, dans le cadre d’une telle mise en œuvre, les États membres adoptent des sanctions plus particulièrement de nature pénale, ils doivent respecter l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, aux termes duquel l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction [arrêt du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, point 31 et jurisprudence citée].
25 Toutefois, l’article 6, paragraphe 1, TUE, qui attribue une valeur contraignante à la Charte, de même que l’article 51, paragraphe 2, de cette dernière, précisent que les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités (ordonnance du 14 avril 2016, Târșia, C‑328/15, EU:C:2016:273, point 23 et jurisprudence citée).
26 Par conséquent, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître, et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (ordonnance du 14 avril 2016, Târșia, C‑328/15, EU:C:2016:273, point 24 et jurisprudence citée).
27 De même, dans une telle situation, les droits fondamentaux garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, invoqués par les prévenus en cause au principal dans leurs observations écrites, et qui font partie des principes généraux du droit de l’Union au titre de l’article 6, paragraphe 3, TUE, ne sauraient non plus fonder une telle compétence de la Cour.
28 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 17 à 23 de la présente ordonnance, les faits au principal ne relèvent pas du champ d’application du droit de l’Union et aucun élément de la décision de renvoi ne laisse supposer que la réglementation nationale en cause viserait à mettre en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
29 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en application de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.
Sur les dépens
30 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen, Afdeling Gent (tribunal de première instance de Flandre orientale, division Gand, Belgique), par décision du 15 décembre 2023 (affaire C‑800/23).
Signatures
* Langue de procédure : le néerlandais.